Calcul du profil de pression le long d'une conduite de refoulement
Contexte : Vaincre la Gravité et les Frottements
Contrairement à une conduite forcée qui utilise la gravité, une conduite de refoulementCanalisation dans laquelle un fluide est déplacé d'un point bas vers un point plus élevé grâce à l'énergie fournie par une pompe. sert à transporter un fluide vers une altitude supérieure. Cette opération nécessite un apport d'énergie externe, fourni par une pompe. Le rôle de la pompe est double : non seulement elle doit "soulever" l'eau pour vaincre la différence de hauteur (hauteur géométrique), mais elle doit aussi compenser l'énergie dissipée par les pertes de chargePerte d'énergie (et donc de pression) d'un fluide en mouvement, due aux frottements sur les parois de la conduite (pertes linéaires) et aux obstacles (coudes, vannes, etc.).. L'étude du profil de pression (ou ligne piézométriqueLigne représentant la hauteur d'énergie de pression (P/ρg + z) le long d'un écoulement. Elle permet de visualiser la pression en tout point de la conduite.) est essentielle pour s'assurer que la pression reste suffisante tout au long du parcours et, surtout, qu'elle ne chute pas en dessous de la pression de vapeur saturante, ce qui provoquerait un phénomène destructeur : la cavitationFormation de bulles de vapeur dans un liquide lorsque la pression locale chute en dessous de la pression de vapeur saturante. L'implosion de ces bulles est extrêmement destructrice pour les pompes et les conduites..
Remarque Pédagogique : Cet exercice est fondamental pour comprendre la conception de n'importe quel réseau de transport de fluide sous pression : adduction d'eau potable, irrigation, circuits de refroidissement industriels, etc. Il met en lumière l'interaction entre la pompe, le réseau et le fluide, et introduit la notion capitale de la vérification de la pression minimale pour éviter la cavitation.
Objectifs Pédagogiques
- Calculer la hauteur géométrique de refoulement.
- Déterminer les pertes de charge totales (linéaires et singulières) dans une conduite.
- Calculer la Hauteur Manométrique Totale (HMT)Énergie totale que la pompe doit fournir au fluide. C'est la somme de la hauteur géométrique et des pertes de charge totales du circuit. requise pour un circuit de pompage.
- Appliquer le théorème de Bernoulli pour calculer la pression en des points spécifiques du circuit.
- Comprendre l'allure de la ligne piézométrique et son importance pour la sécurité de l'installation.
Données de l'étude
Schéma du Système de Pompage
- Masse volumique de l'eau : \(\rho = 1000 \, \text{kg/m}^3\)
- Accélération de la pesanteur : \(g = 9.81 \, \text{m/s}^2\)
- Viscosité cinématique de l'eau : \(\nu = 10^{-6} \, \text{m}^2/\text{s}\)
- Le coefficient de perte de charge singulière à la sortie de la conduite dans le bassin B est \(K_s = 1\). On néglige les autres pertes singulières.
Questions à traiter
- Calculer la vitesse \(v\), le nombre de Reynolds \(Re\), et le coefficient de perte de charge linéaire \(f\).
- Calculer les pertes de charge totales \(J_{\text{total}}\) (linéaires + singulière).
- Déterminer la Hauteur Manométrique Totale (HMT) que la pompe doit fournir au minimum.
- Calculer la pression \(P_{\text{sortie}}\) juste à la sortie de la pompe (on suppose que la pompe est à la même altitude que la surface du bassin A).
Correction : Profil de Pression d'une Conduite de Refoulement
Question 1 : Vitesse, Reynolds et Coefficient de Frottement
Principe :
La première étape consiste à caractériser l'écoulement. La vitesse est déduite du débit et de la section. Le nombre de Reynolds nous indique le régime (turbulent), et le coefficient de frottement \(f\), qui dépend de Reynolds et de la rugosité, est la clé pour quantifier les pertes d'énergie.
Remarque Pédagogique :
Point Clé : Ces trois valeurs (v, Re, f) sont interdépendantes et constituent la "carte d'identité" de l'écoulement dans la conduite. Sans elles, impossible de poursuivre l'analyse du système.
Formule(s) utilisée(s) :
Donnée(s) :
- Débit : \(Q = 0.5 \, \text{m}^3/\text{s}\)
- Diamètre : \(D = 400 \, \text{mm} = 0.4 \, \text{m}\)
- Rugosité : \(\epsilon = 0.26 \, \text{mm} = 0.00026 \, \text{m}\)
- Viscosité cinématique : \(\nu = 10^{-6} \, \text{m}^2/\text{s}\)
Calcul(s) :
Points de vigilance :
Unités du diamètre et de la rugosité : L'erreur la plus fréquente est de ne pas convertir les diamètres et rugosités, souvent donnés en mm, en mètres avant de calculer la section ou la rugosité relative.
Le saviez-vous ?
Question 2 : Pertes de Charge Totales
Principe :
L'énergie totale perdue par le fluide le long de son parcours est la somme des pertes dues au frottement sur toute la longueur (linéaires) et des pertes dues aux accidents de parcours comme les coudes, vannes, et ici, la sortie dans le réservoir (singulières).
Remarque Pédagogique :
Point Clé : On distingue bien deux types de "dissipation" d'énergie. Les pertes linéaires sont une "taxe" continue sur l'énergie, payée à chaque mètre parcouru. Les pertes singulières sont des "péages" ponctuels, payés à chaque obstacle. Pour un dimensionnement correct, il faut additionner les deux.
Formule(s) utilisée(s) :
Donnée(s) :
- Coefficient de perte de charge linéaire : \(f \approx 0.0173\)
- Coefficient de perte de charge singulière : \(K_s = 1\)
- Longueur : \(L = 800 \, \text{m}\)
- Diamètre : \(D = 0.4 \, \text{m}\)
- Vitesse : \(v \approx 3.98 \, \text{m/s}\)
Calcul(s) :
Points de vigilance :
Ne pas oublier les pertes singulières : Même si elles sont parfois faibles par rapport aux pertes linéaires dans les conduites très longues, les négliger peut conduire à un sous-dimensionnement de la pompe. La perte à la sortie (\(K_s=1\)) est physiquement due à la dissipation de toute l'énergie cinétique résiduelle dans le réservoir d'arrivée.
Le saviez-vous ?
Question 3 : Hauteur Manométrique Totale (HMT)
Principe :
La Hauteur Manométrique Totale (HMT) représente l'énergie totale, exprimée en mètres de colonne de fluide, que la pompe doit fournir. Elle doit être suffisante pour vaincre la différence d'altitude statique entre les deux réservoirs (la hauteur géométrique) ET compenser toutes les pertes d'énergie par frottement (les pertes de charge totales).
Remarque Pédagogique :
Point Clé : La HMT est la caractéristique fondamentale à exiger du fabricant de la pompe pour un débit donné. C'est le "cahier des charges" énergétique du système. Si la pompe choisie a une HMT inférieure à celle requise, elle ne pourra pas fournir le débit souhaité.
Formule(s) utilisée(s) :
Donnée(s) :
- Altitude bassin A : \(Z_A = 10 \, \text{m}\)
- Altitude bassin B : \(Z_B = 70 \, \text{m}\)
- Pertes de charge totales : \(J_{\text{total}} \approx 28.73 \, \text{m}\)
Calcul(s) :
Points de vigilance :
Ne pas confondre hauteur géométrique et HMT : La hauteur géométrique est la différence d'altitude statique, indépendante du débit. La HMT inclut les pertes de charge, qui, elles, dépendent fortement du débit (via la vitesse au carré). La HMT n'est donc pas une constante, mais une fonction du débit.
Le saviez-vous ?
Question 4 : Pression à la Sortie de la Pompe
Principe :
Pour trouver la pression en un point, on applique le théorème de Bernoulli généralisé entre un point de référence où la pression est connue (ici, la surface du bassin A, à pression atmosphérique) et le point désiré (la sortie de la pompe). La pompe apparaît dans l'équation comme un gain d'énergie, égal à la HMT.
Remarque Pédagogique :
Point Clé : Le théorème de Bernoulli est un outil de "comptabilité énergétique". Il dit que l'énergie en un point A, plus l'énergie ajoutée par une pompe, est égale à l'énergie en un point B plus l'énergie perdue entre A et B. En connaissant tous les termes sauf un (ici la pression en sortie), on peut le résoudre.
Formule(s) utilisée(s) :
Donnée(s) :
- \(Z_A = 10 \, \text{m}\) ; \(Z_{\text{sortie}} = 10 \, \text{m}\) (pompe à la même altitude)
- \(P_A = 0\) (pression relative à la surface d'un réservoir à l'air libre)
- \(v_A \approx 0\) (la vitesse à la surface d'un grand réservoir est négligeable)
- \(v_{\text{sortie}} = v = 3.98 \, \text{m/s}\)
- \(HMT = 88.73 \, \text{m}\)
- Pertes de charge entre A et la sortie : \(J_{A \rightarrow \text{sortie}} \approx 0\) (conduite d'aspiration très courte)
Calcul(s) :
Points de vigilance :
Pressions relatives vs absolues : Les calculs avec Bernoulli utilisent souvent des pressions relatives (par rapport à la pression atmosphérique). La pression à la surface d'un réservoir ouvert est donc 0. Le résultat est une pression relative. Pour obtenir la pression absolue, il faudrait ajouter la pression atmosphérique (environ 1 bar ou 101325 Pa).
Le saviez-vous ?
Simulation Interactive du Système de Pompage
Faites varier le débit et la rugosité de la conduite. Observez comment la HMT requise évolue. Que se passe-t-il si la conduite vieillit et devient plus rugueuse ?
Paramètres du Projet
Composition de la HMT Requise
Pour Aller Plus Loin : Le Risque de Cavitation
L'ennemi invisible : Si la conduite passe par un point haut, la pression y sera plus faible qu'à la sortie de la pompe. Si cette pression chute en dessous de la pression de vapeur saturante de l'eau (environ 0.02 bar absolu à 20°C), des bulles de vapeur se forment. Ces bulles sont ensuite transportées par l'écoulement vers des zones de plus haute pression où elles implosent violemment, créant des micro-jets capables d'éroder le métal. C'est la cavitation. Un calcul complet du profil de pression est donc nécessaire pour vérifier que la pression reste positive et suffisante en tout point du circuit.
Le Saviez-Vous ?
Le "coup de bélier" est un autre phénomène dangereux dans les conduites de refoulement. Il se produit lors d'un arrêt brusque de la pompe ou de la fermeture rapide d'une vanne. L'inertie de la colonne d'eau crée une onde de surpression massive qui peut se propager à la vitesse du son dans l'eau et détruire la conduite. Des dispositifs anti-bélier (ballons, cheminées d'équilibre) sont souvent nécessaires.
Foire Aux Questions (FAQ)
Que se passe-t-il si la pompe est trop puissante (HMT trop élevée) ?
Si la pompe fournit une HMT supérieure à celle requise par le réseau pour un débit donné, le point de fonctionnement se déplacera sur la courbe du réseau vers un débit plus élevé. L'eau circulera plus vite, les pertes de charge augmenteront jusqu'à ce qu'un nouvel équilibre soit trouvé. Cela peut entraîner une surconsommation d'énergie et une usure prématurée de l'installation.
Comment choisir le bon diamètre de conduite ?
Le choix est une optimisation technico-économique. On calcule la puissance perdue (et donc le coût d'exploitation annuel lié à cette perte) et le coût d'investissement de la conduite pour plusieurs diamètres. Le diamètre optimal est celui qui minimise la somme du coût d'investissement (qui augmente avec D) et du coût actualisé des pertes sur la durée de vie du projet (qui diminue avec D).
Quiz Final : Testez vos connaissances
1. Dans un système de pompage, si la rugosité de la conduite augmente avec le temps (corrosion), pour un même débit :
2. La ligne piézométrique représente :
Glossaire
- Conduite de Refoulement
- Canalisation dans laquelle un fluide est déplacé vers une altitude supérieure grâce à l'énergie d'une pompe.
- Hauteur Manométrique Totale (HMT)
- Énergie totale par unité de poids que la pompe doit fournir au fluide pour vaincre la hauteur géométrique et les pertes de charge. Exprimée en mètres.
- Ligne Piézométrique
- Ligne imaginaire qui représente la charge de pression (\(Z + P/\rho g\)) le long de la conduite. Si la conduite est percée, l'eau monterait jusqu'à cette ligne.
- Cavitation
- Phénomène de formation et d'implosion de bulles de vapeur dans un liquide, qui se produit lorsque la pression locale tombe en dessous de la pression de vapeur saturante.
- Pertes de Charge (J)
- Énergie dissipée par le frottement (linéaires) et les obstacles (singulières). Exprimée en mètres de colonne de fluide.
D’autres exercices d’hydraulique en charge:
0 commentaires