Détermination du Début de Transport Solide

Hydraulique : Début de Transport Solide avec le Diagramme de Shields

Détermination du début de transport solide avec le diagramme de Shields

Contexte : Le Seuil de Mouvement des Sédiments

Le fond d'une rivière ou d'un canal n'est pas inerte. L'écoulement de l'eau exerce une force, la contrainte de cisaillementForce de frottement exercée par un fluide en mouvement sur une surface, par unité de surface. Elle est responsable de la résistance à l'écoulement. Unité : Pascals (Pa) ou N/m²., sur chaque grain de sédiment. Si cette force est suffisante pour vaincre le poids et la friction du grain, celui-ci est mis en mouvement : c'est le début du transport solide. Le diagramme de Shields est un outil fondamental en hydraulique qui permet de déterminer précisément ce seuil de mouvement. Il utilise des nombres sans dimension pour relier les forces de l'écoulement aux propriétés du sédiment, offrant une méthode universelle pour prédire l'érosion.

Remarque Pédagogique : Comprendre le diagramme de Shields, c'est comprendre le dialogue permanent entre l'eau et le lit de la rivière. C'est la base de la morphodynamique fluviale, qui étudie comment les rivières sculptent le paysage. Cet exercice permet de passer d'une vision d'un canal aux parois fixes à une vision d'un lit mobile et dynamique.


Objectifs Pédagogiques

  • Définir et calculer la vitesse de cisaillement et le nombre de Reynolds particulaire.
  • Comprendre le diagramme de Shields et ses axes (paramètre de Shields et Reynolds particulaire).
  • Déterminer la contrainte de cisaillement critique (\(\tau_c\)) à partir du diagramme.
  • Calculer la contrainte de cisaillement réelle (\(\tau_0\)) exercée par un écoulement.
  • Comparer les contraintes pour déterminer si le lit d'un canal est stable ou en érosion.

Données de l'étude

Un large canal d'évacuation de crue, considéré comme rectangulaire, a une pente de \(I = 0.001\). Lors d'une crue, la hauteur d'eau atteint \(h = 3.5 \, \text{m}\). Le lit du canal est composé de sables grossiers.

Schéma de l'Écoulement sur le Lit Sédimentaire
Écoulement (V, h) d50 τ0 h = 3.5m

Données pour le matériau et le fluide :

  • Diamètre médian des sables : \(d_{50} = 2 \, \text{mm}\)
  • Masse volumique des sédiments : \(\rho_s = 2650 \, \text{kg/m}^3\)
  • Masse volumique de l'eau : \(\rho = 1000 \, \text{kg/m}^3\)
  • Viscosité cinématique de l'eau : \(\nu = 10^{-6} \, \text{m}^2/\text{s}\)

Questions à traiter

  1. Calculer la vitesse de cisaillement \(u_*\).
  2. Calculer le nombre de Reynolds particulaire \(Re_*\).
  3. À l'aide de la formule approchée du diagramme de Shields, déterminer le paramètre de Shields critique \(\theta_c\).
  4. Calculer la contrainte de cisaillement critique \(\tau_c\) correspondant à ce seuil.
  5. Calculer la contrainte de cisaillement réelle \(\tau_0\) exercée par l'écoulement et conclure sur la stabilité du lit du canal.

Correction : Détermination du Début de Transport Solide

Question 1 : Vitesse de Cisaillement (\(u_*\))

Principe :
Surface Libre ρghI τ₀

La vitesse de cisaillement, notée \(u_*\), n'est pas une vitesse réelle de l'écoulement, mais une grandeur qui a la dimension d'une vitesse et qui représente l'échelle des fluctuations de vitesse turbulentes près du fond. Elle est directement liée à la contrainte de cisaillement au fond et est un paramètre clé en transport solide.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : La vitesse de cisaillement est une manière de traduire la force de frottement (une contrainte, en Pascals) en une grandeur plus intuitive (une vitesse, en m/s). Plus \(u_*\) est élevée, plus l'écoulement est turbulent et "agressif" pour le lit de la rivière.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ u_* = \sqrt{\frac{\tau_0}{\rho}} \]

Pour un canal large en régime uniforme, la contrainte au fond \(\tau_0\) est donnée par :

\[ \tau_0 = \rho g h I \]

En combinant les deux, on obtient :

\[ u_* = \sqrt{g h I} \]
Donnée(s) :
  • Pesanteur \(g = 9.81 \, \text{m/s}^2\)
  • Hauteur d'eau \(h = 3.5 \, \text{m}\)
  • Pente \(I = 0.001\)
Calcul(s) :
\[ \begin{aligned} u_* &= \sqrt{9.81 \times 3.5 \times 0.001} \\ &= \sqrt{0.034335} \\ &\approx 0.185 \, \text{m/s} \end{aligned} \]
Points de vigilance :

Canal Large : La formule \(u_* = \sqrt{g h I}\) est une approximation pour les canaux larges où le rayon hydraulique \(R_h\) est très proche de la hauteur d'eau \(h\). Pour un canal étroit, il faudrait utiliser la formule complète \(u_* = \sqrt{g R_h I}\).

Le saviez-vous ?
Résultat : La vitesse de cisaillement est \(u_* \approx 0.185 \, \text{m/s}\).

Question 2 : Nombre de Reynolds Particulaire (\(Re_*\))

Principe :
Inertie vs. Viscosité

Le nombre de Reynolds particulaire compare les forces d'inertie agissant sur une particule de sédiment aux forces de viscosité. Il permet de savoir si l'écoulement autour du grain est laminaire (dominé par la viscosité) ou turbulent. C'est l'abscisse (l'axe horizontal) du diagramme de Shields.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : La valeur de \(Re_*\) nous renseigne sur le type de "cachette" dont bénéficie un grain. Si \(Re_*\) est petit (< 5), le grain est enrobé dans une sous-couche visqueuse laminaire qui le protège. Si \(Re_*\) est grand (> 70), le lit est hydrauliquement rugueux et le grain est pleinement exposé à la turbulence.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ Re_* = \frac{u_* d_{50}}{\nu} \]
Donnée(s) :
  • Vitesse de cisaillement \(u_* \approx 0.185 \, \text{m/s}\)
  • Diamètre médian \(d_{50} = 2 \, \text{mm} = 0.002 \, \text{m}\)
  • Viscosité cinématique \(\nu = 10^{-6} \, \text{m}^2/\text{s}\)
Calcul(s) :
\[ \begin{aligned} Re_* &= \frac{0.185 \times 0.002}{10^{-6}} \\ &= \frac{0.00037}{0.000001} \\ &= 370 \end{aligned} \]
Points de vigilance :

Conversion d'unités : L'erreur la plus fréquente ici est de ne pas convertir le diamètre des sédiments en mètres. Toutes les grandeurs doivent être en unités SI (m, s) pour que le nombre de Reynolds soit correctement calculé et sans dimension.

Le saviez-vous ?
Résultat : Le nombre de Reynolds particulaire est \(Re_* = 370\).

Question 3 : Paramètre de Shields Critique (\(\theta_c\))

Principe :
Re* θ Zone de Mouvement Zone de Stabilité θc

Le paramètre de Shields (\(\theta\)) est un nombre sans dimension qui compare la force d'entraînement de l'écoulement (la contrainte \(\tau\)) à la force de résistance du grain (son poids déjaugé). Le diagramme de Shields montre la valeur critique de ce paramètre (\(\theta_c\)) en fonction du Reynolds particulaire. Pour des raisons pratiques, on utilise souvent des formules qui approximent la courbe de Shields.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : Le diagramme de Shields nous dit que pour un lit rugueux (\(Re_* > 70\)), la résistance relative des grains est à peu près constante. Le paramètre de Shields critique \(\theta_c\) devient indépendant de \(Re_*\) et tend vers une valeur d'environ 0.047. C'est le cas de notre écoulement.

Formule(s) utilisée(s) :

Formule de Van Rijn pour le paramètre de Shields critique :

\[ \theta_c = 0.24 (Re_*)^{-1} \quad \text{pour } Re_* \le 4 \]
\[ \theta_c = 0.14 (Re_*)^{-0.64} \quad \text{pour } 4 < Re_* \le 10 \]
\[ \theta_c = 0.04 (Re_*)^{-0.1} \quad \text{pour } 10 < Re_* \le 20 \]
\[ \theta_c = 0.013 (Re_*)^{0.29} \quad \text{pour } 20 < Re_* \le 150 \]
\[ \theta_c = 0.055 \quad \text{pour } Re_* > 150 \]
Donnée(s) :
  • Nombre de Reynolds particulaire \(Re_* = 370\)
Calcul(s) :

Puisque \(Re_* = 370 > 150\), nous utilisons la dernière formule :

\[ \theta_c = 0.055 \]
Points de vigilance :

Choix de la formule : Il est essentiel de bien identifier dans quelle plage de Reynolds particulaire on se situe pour utiliser la bonne approximation de la courbe de Shields. Une erreur ici conduirait à une mauvaise estimation de la stabilité.

Le saviez-vous ?
Résultat : Le paramètre de Shields critique est \(\theta_c = 0.055\).

Question 4 : Contrainte de Cisaillement Critique (\(\tau_c\))

Principe :

Le paramètre de Shields critique \(\theta_c\) est la version adimensionnelle de la contrainte critique \(\tau_c\). Pour retrouver la contrainte critique réelle (en Pascals), il suffit de réarranger la formule de définition du paramètre de Shields. Cette contrainte représente la force minimale par unité de surface que l'écoulement doit exercer pour commencer à éroder le lit.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : C'est l'étape où l'on "traduit" le résultat du diagramme universel de Shields en une valeur physique, concrète et dimensionnée, spécifique à notre problème (notre sédiment et notre fluide).

Formule(s) utilisée(s) :
\[ \theta_c = \frac{\tau_c}{(\rho_s - \rho) g d_{50}} \Rightarrow \tau_c = \theta_c (\rho_s - \rho) g d_{50} \]
Donnée(s) :
  • \(\theta_c = 0.055\)
  • \(\rho_s = 2650 \, \text{kg/m}^3\), \(\rho = 1000 \, \text{kg/m}^3\)
  • \(g = 9.81 \, \text{m/s}^2\), \(d_{50} = 0.002 \, \text{m}\)
Calcul(s) :
\[ \begin{aligned} \tau_c &= 0.055 \times (2650 - 1000) \times 9.81 \times 0.002 \\ &= 0.055 \times 1650 \times 9.81 \times 0.002 \\ &\approx 1.78 \, \text{Pa} \end{aligned} \]
Points de vigilance :

Poids déjaugé : Il est crucial d'utiliser la différence de masse volumique \((\rho_s - \rho)\) et non la masse volumique du sédiment seul. C'est le poids du grain "dans l'eau" (son poids apparent, ou poids déjaugé) qui compte pour sa stabilité.

Le saviez-vous ?
Résultat : La contrainte de cisaillement critique pour le début du mouvement est \(\tau_c \approx 1.78 \, \text{Pa}\).

Question 5 : Contrainte Réelle (\(\tau_0\)) et Stabilité

Principe :
τc τ0 τ₀ > τ_c ?

La dernière étape consiste à comparer la force que l'écoulement exerce réellement (\(\tau_0\)) avec la force que le lit peut supporter (\(\tau_c\)). Si la contrainte exercée est supérieure à la contrainte critique, les sédiments seront mis en mouvement.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : C'est le moment de vérité de l'analyse. La comparaison \(\tau_0\) vs \(\tau_c\) répond directement à la question de la stabilité : le lit va-t-il s'éroder ou non ? C'est une conclusion binaire qui a des implications majeures pour la gestion du cours d'eau.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ \tau_0 = \rho g h I \]
Donnée(s) :
  • \(\rho = 1000 \, \text{kg/m}^3\), \(g = 9.81 \, \text{m/s}^2\)
  • Hauteur \(h = 3.5 \, \text{m}\), Pente \(I = 0.001\)
  • Contrainte critique \(\tau_c \approx 1.78 \, \text{Pa}\)
Calcul(s) :
\[ \begin{aligned} \tau_0 &= 1000 \times 9.81 \times 3.5 \times 0.001 \\ &= 34.335 \, \text{Pa} \end{aligned} \]

Comparaison :

\[ \tau_0 \approx 34.3 \, \text{Pa} \quad > \quad \tau_c \approx 1.78 \, \text{Pa} \]
Points de vigilance :

Conclusion claire : La conclusion doit être sans ambiguïté. Il ne suffit pas de présenter les deux chiffres, il faut explicitement dire si la contrainte exercée est supérieure ou inférieure à la contrainte critique, et ce que cela implique pour le lit du canal.

Le saviez-vous ?
Résultat : La contrainte exercée par l'écoulement (\(\tau_0 \approx 34.3 \, \text{Pa}\)) est très supérieure à la contrainte critique du matériau (\(\tau_c \approx 1.78 \, \text{Pa}\)). Le lit du canal est donc instable et subira une érosion importante.

Simulation Interactive

Faites varier la taille des sédiments (\(d_{75}\)) pour voir comment la pente et les dimensions du canal stable s'adaptent.

Paramètres du Matériau
Contrainte Admissible (τ_p)
Pente Maximale (I)
Hauteur Optimale (h)
Largeur Optimale (b)
Dimensions du Canal Stable

Le Saviez-Vous ?

Les canaux de l'antiquité, comme les aqueducs romains, étaient des chefs-d'œuvre d'ingénierie stable. Sans formules complexes, les ingénieurs romains avaient une compréhension empirique profonde des pentes limites. Ils construisaient des canaux avec des pentes très faibles et constantes, souvent de l'ordre de 0.1% à 0.3%, pour assurer un écoulement lent qui n'éroderait pas leurs ouvrages en maçonnerie.


Foire Aux Questions (FAQ)

Que se passe-t-il si le canal est sinueux ?

La sinuosité augmente la contrainte tractrice sur les berges extérieures. La méthode de Lane inclut des facteurs de correction pour cela. Pour un virage modéré, la contrainte admissible sur les berges est réduite à 75% de celle sur le fond. Pour un virage très serré, elle peut être réduite à 50%. Il faut donc utiliser une contrainte admissible plus faible pour le calcul de la pente, ce qui mènera à un canal plus large et moins pentu.

Cette méthode est-elle la seule ?

Non, il existe de nombreuses approches. La "méthode de la vitesse admissible" est une autre approche classique, où l'on s'assure que la vitesse moyenne reste en dessous d'une valeur tabulée pour chaque type de sol. Des méthodes plus modernes, dites "rationales", combinent des équations de transport solide avec les équations de l'écoulement pour une analyse plus physique, mais aussi beaucoup plus complexe.


Quiz Final : Testez vos connaissances

1. Si on remplace les graviers par du sable fin, la pente maximale admissible du canal sera :

2. Pour un même débit, une section hydrauliquement optimale est celle qui :


Glossaire

Canal Stable
Un canal dont la géométrie ne change pas dans le temps, car l'écoulement ne cause ni érosion ni sédimentation significatives.
Contrainte Tractrice (\(\tau\))
La force de frottement par unité de surface que l'eau exerce sur le lit du canal. C'est la force motrice de l'érosion.
Contrainte Admissible (\(\tau_p\))
La valeur maximale de la contrainte tractrice qu'un matériau peut supporter sans que ses particules ne soient mises en mouvement.
Section Hydrauliquement Optimale
Pour une aire et une pente données, c'est la forme de section qui permet de faire passer le débit maximal, car elle minimise les frottements (périmètre mouillé minimal).
Conception d'un canal stable selon les critères de Lane

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