Programmation d’une Séquence avec Cartouches Logiques

Oléohydraulique : Programmation d'une séquence complexe (ex: perçage) avec des cartouches logiques (logic valves)

Programmation d'une Séquence avec Cartouches Logiques

Contexte : La Logique Hydraulique pour les Séquences Complexes

Pour des applications industrielles comme les presses ou les unités d'usinage, il est souvent nécessaire de réaliser des séquences de mouvements complexes, par exemple une approche rapide, une phase de travail lente et à fort effort, puis une rétraction rapide. Utiliser une pompe à cylindrée variable ou une servovalve pour chaque vitesse serait coûteux et complexe. Une solution élégante et robuste consiste à utiliser des cartouches logiquesValves 2/2 (ouvert/fermé) de grand passage, pilotées hydrauliquement. Elles agissent comme des interrupteurs et peuvent être combinées pour créer des fonctions complexes (limiteur de pression, réducteur, séquence) directement dans un bloc foré.. Ces "interrupteurs" hydrauliques, intégrés dans un bloc foré, permettent de commuter entre différents chemins de fluide pour activer ou désactiver des fonctions comme le contrôle de débit ou la limitation de pression, le tout commandé par de simples électrovannes de pilotage.

Remarque Pédagogique : Cet exercice montre comment la combinaison de composants simples (clapets, contrôleurs de débit) montés en cartouches peut créer une "programmation" hydraulique. C'est une alternative puissante à l'électronique complexe, particulièrement adaptée aux environnements sévères et aux besoins de très hauts débits où les valves traditionnelles seraient trop grosses et trop lentes.


Objectifs Pédagogiques

  • Comprendre le fonctionnement d'une cartouche logique (valve 2/2 à clapet).
  • Analyser un circuit hydraulique séquentiel (approche rapide / travail / retour rapide).
  • Calculer les débits et pressions pour chaque phase de la séquence.
  • Déterminer les réglages nécessaires pour les composants (limiteur de débit, pression).
  • Analyser la logique de pilotage pour activer les différentes phases du cycle.

Données de l'étude

On étudie le circuit d'une unité de perçage verticale. Le cycle de travail est le suivant :

  1. Descente en approche rapide.
  2. Passage en vitesse de travail (perçage) lente.
  3. Remontée en rétraction rapide.
Le passage d'approche rapide à travail se fait via un capteur de position. Le circuit utilise des cartouches logiques pour commuter les vitesses.

Schéma Simplifié du Circuit de Perçage
Bloc Logique C1 C2

Données et hypothèses :

  • Vérin vertical, différentiel : Diamètre piston \(D_p = 80 \, \text{mm}\), Diamètre tige \(D_t = 45 \, \text{mm}\).
  • Masse mobile (outil + chariot) : \(M = 250 \, \text{kg}\).
  • Effort de perçage (résistant) : \(F_{\text{perçage}} = 5000 \, \text{N}\).
  • Vitesse d'approche rapide : \(v_{\text{app}} = 0.2 \, \text{m/s}\).
  • Vitesse de perçage : \(v_{\text{travail}} = 0.02 \, \text{m/s}\).
  • Vitesse de rétraction rapide : \(v_{\text{ret}} = 0.25 \, \text{m/s}\).
  • Pression d'alimentation de la pompe : \(P_s = 100 \, \text{bar}\).
  • On néglige les pertes de charge dans les tuyauteries.

Questions à traiter

  1. Calculer les débits requis pour chaque phase du cycle (\(Q_{\text{app}}\), \(Q_{\text{travail}}\), \(Q_{\text{ret}}\)).
  2. Déterminer la pression nécessaire dans la grande chambre du vérin durant la phase de perçage (\(P_{\text{perçage}}\)).
  3. Si la vitesse de travail est obtenue en étranglant le débit via un limiteur de débit, quelle puissance est dissipée en chaleur par ce composant durant la phase de perçage ?

Correction : Programmation d'une Séquence avec Cartouches Logiques

Question 1 : Débits Requis pour Chaque Phase

Principe :
Q v Q = A × v

Le débit d'huile nécessaire pour déplacer un vérin est le produit de la vitesse de déplacement souhaitée et de la surface du piston sur laquelle l'huile agit. Pour un vérin différentiel, la surface n'est pas la même en sortie de tige (grande chambre) et en rentrée de tige (chambre annulaire, côté tige).

Remarque Pédagogique :

Point Clé : Le calcul des débits est la première étape de tout dimensionnement de circuit. Il détermine la taille de la pompe, des distributeurs, des tuyauteries et des cartouches logiques. Un débit mal calculé entraînera des vitesses incorrectes et une performance non conforme au cahier des charges.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ A_p = \frac{\pi D_p^2}{4} \quad (\text{Surface piston}) \]
\[ A_a = \frac{\pi (D_p^2 - D_t^2)}{4} \quad (\text{Surface annulaire}) \]
\[ Q = A \times v \]
Donnée(s) :
  • \(D_p = 80 \, \text{mm} = 0.08 \, \text{m}\)
  • \(D_t = 45 \, \text{mm} = 0.045 \, \text{m}\)
  • \(v_{\text{app}} = 0.2 \, \text{m/s}\)
  • \(v_{\text{travail}} = 0.02 \, \text{m/s}\)
  • \(v_{\text{ret}} = 0.25 \, \text{m/s}\)
Calcul(s) :

1. Calculer les surfaces (en m²) :

\[ \begin{aligned} A_p &= \frac{\pi \times (0.08)^2}{4} \\ &\approx 5.026 \times 10^{-3} \, \text{m}^2 \end{aligned} \]
\[ \begin{aligned} A_a &= \frac{\pi \times (0.08^2 - 0.045^2)}{4} \\ &\approx 3.444 \times 10^{-3} \, \text{m}^2 \end{aligned} \]

2. Calculer les débits (en L/min) pour chaque phase :

\[ \begin{aligned} Q_{\text{app}} &= A_p \times v_{\text{app}} = (5.026 \times 10^{-3}) \times 0.2 \\ &= 1.005 \times 10^{-3} \, \text{m}^3/\text{s} \times 60000 \\ &\approx 60.3 \, \text{L/min} \end{aligned} \]
\[ \begin{aligned} Q_{\text{travail}} &= A_p \times v_{\text{travail}} = (5.026 \times 10^{-3}) \times 0.02 \\ &= 1.005 \times 10^{-4} \, \text{m}^3/\text{s} \times 60000 \\ &\approx 6.03 \, \text{L/min} \end{aligned} \]
\[ \begin{aligned} Q_{\text{ret}} &= A_a \times v_{\text{ret}} = (3.444 \times 10^{-3}) \times 0.25 \\ &= 8.61 \times 10^{-4} \, \text{m}^3/\text{s} \times 60000 \\ &\approx 51.7 \, \text{L/min} \end{aligned} \]
Points de vigilance :

Surface Annulaire : Une erreur classique est d'utiliser la surface pleine du piston (\(A_p\)) pour le calcul du débit de rétraction. Il faut impérativement utiliser la surface annulaire (\(A_a\)), qui est plus petite à cause de la présence de la tige.

Le saviez-vous ?
Résultat : Les débits requis sont \(Q_{\text{app}} \approx 60.3 \, \text{L/min}\), \(Q_{\text{travail}} \approx 6.0 \, \text{L/min}\), et \(Q_{\text{ret}} \approx 51.7 \, \text{L/min}\). La pompe doit donc pouvoir fournir au moins 60.3 L/min.

Question 2 : Pression durant le Perçage

Principe :
F perçage F poids Pression

Durant la phase de perçage, le vérin doit vaincre deux forces : le poids de la masse mobile (qui aide à la descente) et l'effort de coupe de l'outil (qui s'oppose à la descente). La pression nécessaire est calculée à partir de la force résultante appliquée sur la surface du piston.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : L'analyse des forces est cruciale. Il faut bien identifier les forces motrices (qui vont dans le sens du mouvement) et les forces résistantes. Ici, le poids est une force motrice, tandis que l'effort de coupe est une force résistante. La force nette à fournir par le fluide est la différence entre les deux.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ F_{\text{poids}} = M \times g \]
\[ F_{\text{nette}} = F_{\text{perçage}} - F_{\text{poids}} \]
\[ P_{\text{perçage}} = \frac{F_{\text{nette}}}{A_p} \]
Donnée(s) :
  • \(M = 250 \, \text{kg}\)
  • \(F_{\text{perçage}} = 5000 \, \text{N}\)
  • \(A_p = 5.026 \times 10^{-3} \, \text{m}^2\)
Calcul(s) :

1. Calculer la force due au poids :

\[ F_{\text{poids}} = 250 \, \text{kg} \times 9.81 \, \text{m/s}^2 = 2452.5 \, \text{N} \]

2. Calculer la force nette que le fluide doit fournir :

\[ \begin{aligned} F_{\text{nette}} &= 5000 \, \text{N} - 2452.5 \, \text{N} \\ &= 2547.5 \, \text{N} \end{aligned} \]

3. Calculer la pression correspondante :

\[ \begin{aligned} P_{\text{perçage}} &= \frac{2547.5 \, \text{N}}{5.026 \times 10^{-3} \, \text{m}^2} \\ &\approx 506864 \, \text{Pa} \\ &\approx 5.1 \, \text{bar} \end{aligned} \]
Points de vigilance :

Signe des Forces : Il est primordial de bien définir le sens positif du mouvement et d'attribuer le bon signe à chaque force. Une erreur ici (par exemple, additionner le poids au lieu de le soustraire) conduirait à une pression de travail complètement erronée.

Le saviez-vous ?
Résultat : La pression requise durant le perçage est très faible, environ \(5.1 \, \text{bar}\).

Question 3 : Puissance Dissipée durant le Perçage

Principe :
P Q app Q travail Q perdu

Le circuit est alimenté par une pompe à débit fixe fournissant le débit d'approche rapide (\(Q_{\text{app}}\)) à la pression d'alimentation (\(P_s\)). Durant la phase de travail, le débit est réduit à \(Q_{\text{travail}}\) par un limiteur de débit (étrangleur). La différence de débit (\(Q_{\text{app}} - Q_{\text{travail}}\)) est évacuée vers le réservoir via le limiteur de pression principal, et le débit de travail est "laminé" de la pression d'alimentation à la pression de travail. La puissance dissipée en chaleur est la somme de ces deux pertes.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : C'est le principal inconvénient de cette méthode simple. La majorité de la puissance de la pompe est convertie en chaleur pendant la phase de travail. C'est une solution simple et peu coûteuse, mais très inefficace énergétiquement. Une pompe à cylindrée variable ou un système "Load Sensing" seraient beaucoup plus efficaces.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ P_{\text{dissipée}} = Q \times \Delta P \]
Donnée(s) :
  • \(Q_{\text{app}} \approx 60.3 \, \text{L/min}\)
  • \(Q_{\text{travail}} \approx 6.0 \, \text{L/min}\)
  • \(P_s = 100 \, \text{bar}\)
  • \(P_{\text{perçage}} \approx 5.1 \, \text{bar}\)
Calcul(s) :

1. Calculer la puissance perdue par le débit excédentaire au limiteur de pression :

\[ \begin{aligned} P_{\text{perte1}} &= (Q_{\text{app}} - Q_{\text{travail}}) \times P_s \\ &= (60.3 - 6.0) \, \frac{\text{L}}{\text{min}} \times 100 \, \text{bar} \\ &= 54.3 \, \frac{\text{L}}{\text{min}} \times 100 \, \text{bar} \\ &= \frac{54.3 \times 100}{600} \approx 9.05 \, \text{kW} \end{aligned} \]

2. Calculer la puissance perdue par lamination dans le contrôleur de débit :

\[ \begin{aligned} P_{\text{perte2}} &= Q_{\text{travail}} \times (P_s - P_{\text{perçage}}) \\ &= 6.0 \, \frac{\text{L}}{\text{min}} \times (100 - 5.1) \, \text{bar} \\ &= \frac{6.0 \times 94.9}{600} \approx 0.95 \, \text{kW} \end{aligned} \]

3. Calculer la puissance totale dissipée :

\[ \begin{aligned} P_{\text{totale dissipée}} &= P_{\text{perte1}} + P_{\text{perte2}} \\ &= 9.05 + 0.95 = 10.0 \, \text{kW} \end{aligned} \]
Points de vigilance :

La formule rapide P(kW) = Q(L/min)×P(bar)/600 : Cette formule est très pratique mais il faut être sûr de l'utiliser avec les bonnes grandeurs. Elle combine toutes les conversions d'unités. L'approche rigoureuse en unités SI (\(P = Q[m^3/s] \times P[Pa]\)) est plus sûre pour éviter les erreurs.

Le saviez-vous ?
Résultat : Environ 10 kW sont convertis en chaleur durant la phase de perçage, nécessitant un refroidissement conséquent.

Simulation de la Séquence de Perçage

Cliquez sur les boutons pour visualiser chaque étape du cycle et l'état des composants.

Contrôle du Cycle
Phase Actuelle
Vitesse
Pression de Travail
Visualisation du Circuit
BLOC LOGIQUE C1 (Bypass) C2 (Débit Travail)

Pour Aller Plus Loin : Circuits Régénératifs

Accélérer sans plus de débit : Pour les phases d'approche rapide où l'effort est faible, on peut utiliser un montage "régénératif". Au lieu de renvoyer l'huile de la chambre annulaire (côté tige) au réservoir, on la redirige pour qu'elle s'ajoute au débit de la pompe dans la grande chambre. Comme le débit sortant est plus faible que le débit entrant (à cause de la présence de la tige), cela crée une accélération du vérin sans augmenter le débit de la pompe. C'est une astuce de conception très efficace pour améliorer la vitesse des cycles.


Le Saviez-Vous ?

Les blocs forés contenant les cartouches logiques sont conçus sur des logiciels de CAO 3D spécialisés. Les canaux internes sont complexes et optimisés pour minimiser les pertes de charge. La fabrication de ces blocs est un processus de haute précision qui fait appel à l'usinage numérique.


Foire Aux Questions (FAQ)

Pourquoi utiliser des cartouches logiques plutôt qu'un distributeur proportionnel ?

Pour les très hauts débits (plusieurs centaines de L/min), un distributeur proportionnel serait énorme, très cher et relativement lent. Un ensemble de cartouches logiques peut gérer des débits beaucoup plus importants pour une fraction du coût et avec une grande robustesse. Elles offrent un contrôle "tout ou rien" ou séquentiel, tandis que les valves proportionnelles offrent un contrôle continu.

Qu'est-ce qui se passe si le capteur de position tombe en panne ?

C'est un point critique de sécurité. Si le capteur ne détecte pas la pièce, le vérin ne passera pas en vitesse de travail et continuera sa descente rapide, pouvant causer une collision violente avec la pièce et endommager l'outil ou la machine. Les systèmes modernes ont souvent des sécurités redondantes, comme une surveillance de la pression : une montée brutale de la pression indique un contact et peut forcer le passage en vitesse lente.


Quiz Final : Testez vos connaissances

1. Dans un cycle "approche rapide / travail lent", la puissance hydraulique consommée est généralement :

2. Une cartouche logique est essentiellement :


Glossaire

Cartouche Logique (Logic Valve)
Valve 2 voies / 2 positions (ouverte/fermée) de grand passage, normalement fermée, dont l'état est contrôlé par la balance des pressions sur ses différentes surfaces. Elles sont utilisées pour construire des fonctions logiques complexes (ET, OU, etc.) pour des débits élevés.
Bloc Foré (Manifold)
Bloc métallique (acier ou aluminium) dans lequel des canaux sont forés pour interconnecter différents composants hydrauliques (souvent des cartouches), éliminant ainsi le besoin de tuyauterie externe.
Lamination (Étranglement)
Action de forcer un fluide à passer à travers une restriction, ce qui crée une perte de charge et une chute de pression. Ce phénomène est utilisé pour contrôler le débit, mais il dissipe de l'énergie sous forme de chaleur.
Circuit Régénératif
Montage de circuit qui utilise le débit sortant d'une chambre d'un vérin pour l'ajouter au débit entrant dans l'autre chambre, afin d'augmenter la vitesse de sortie de tige sans augmenter le débit de la pompe.
Oléohydraulique : Programmation d'une Séquence avec Cartouches Logiques

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