Analyse d’un Circuit de Distribution d’Eau Potable
Contexte : L'hydraulique en chargeL'étude des écoulements de liquides dans des conduites complètement remplies, où le fluide est sous pression..
Les réseaux de distribution d'eau potable sont des infrastructures critiques qui acheminent l'eau depuis une source (château d'eau, station de pompage) jusqu'aux consommateurs. Le dimensionnement et la vérification de ces réseaux sont essentiels pour garantir une pression suffisante à chaque point de livraison, tout en minimisant les pertes d'énergie. Cet exercice se concentre sur un circuit ramifié simple, un cas fondamental pour comprendre les concepts de pertes de charge et la répartition des pressions.
Remarque Pédagogique : Cet exercice vous permettra d'appliquer les principes fondamentaux de la mécanique des fluides, notamment le théorème de Bernoulli pour les fluides réels et le calcul des pertes de charge systématiques à l'aide de la formule de Darcy-Weisbach. Vous apprendrez à analyser un réseau simple et à diagnostiquer d'éventuels problèmes de conception.
Objectifs Pédagogiques
- Appliquer le théorème de Bernoulli entre différents points d'un circuit hydraulique.
- Calculer le nombre de ReynoldsUn nombre sans dimension qui caractérise le régime d'écoulement (laminaire ou turbulent) d'un fluide. pour déterminer la nature de l'écoulement.
- Déterminer le coefficient de perte de charge linéaire (λ) à l'aide de la formule de Colebrook-White ou du diagramme de Moody.
- Calculer les pertes de chargeLa perte d'énergie (exprimée en hauteur de colonne de fluide) subie par un fluide en mouvement dans une conduite, due aux frottements et aux obstacles. dans chaque tronçon du réseau.
- Évaluer la pression en différents points du réseau et vérifier sa conformité par rapport à une exigence réglementaire.
Données de l'étude
Caractéristiques Générales
| Caractéristique | Valeur |
|---|---|
| Fluide | Eau (\(\rho = 1000 \text{ kg/m}^3\), \(\nu = 1.0 \times 10^{-6} \text{ m}^2\text{/s}\)) |
| Niveau d'eau dans le château d'eau (\(Z_A\)) | 50 m |
| Rugosité absolue des conduites (\(\epsilon\)) | 0.1 mm |
Schéma du Réseau de Distribution
| Tronçon | Longueur (L) | Diamètre (D) | Débit (Q) |
|---|---|---|---|
| AB | 500 m | 200 mm | 50 L/s |
| BC | 300 m | 150 mm | 20 L/s |
| BD | 250 m | 100 mm | 30 L/s |
Questions à traiter
- Calculer la vitesse de l'écoulement et le nombre de Reynolds pour chaque tronçon (AB, BC, BD). Conclure sur la nature du régime d'écoulement.
- Déterminer le coefficient de perte de charge linéaire (λ) pour chaque tronçon.
- Calculer la perte de charge linéaire (ΔH) pour chaque tronçon.
- Calculer la pression (en bars) aux nœuds B, C et D. On négligera les pertes de charge singulières.
- La pression réglementaire minimale aux points de livraison C et D est de 2 bars. Le réseau est-il conforme ? Si non, quelle pourrait être la cause du problème au point D ?
Les bases sur l'Hydraulique en Charge
L'analyse des réseaux en charge repose sur deux principes fondamentaux : la conservation de l'énergie (Théorème de Bernoulli) et l'évaluation des pertes d'énergie (pertes de charge) dues aux frottements du fluide sur les parois des conduites.
1. Théorème de Bernoulli pour un fluide réel
Entre deux points (1 et 2) d'une ligne de courant, l'équation de Bernoulli s'écrit en tenant compte des pertes d'énergie (\(\Delta H_{1 \to 2}\)) :
\[ \frac{P_1}{\rho g} + z_1 + \frac{V_1^2}{2g} = \frac{P_2}{\rho g} + z_2 + \frac{V_2^2}{2g} + \Delta H_{1 \to 2} \]
Chaque terme représente une énergie par unité de poids (exprimée en mètres) : énergie de pression, énergie potentielle (altitude) et énergie cinétique. \(\Delta H\) représente la "perte de charge" totale entre 1 et 2.
2. Calcul des Pertes de Charge Linéaires (Systématiques)
Les pertes de charge linéaires sont dues aux frottements le long des conduites. Elles sont calculées avec la formule de Darcy-Weisbach :
\[ \Delta H_L = \lambda \frac{L}{D} \frac{V^2}{2g} \]
Où \(\lambda\) est le coefficient de perte de charge, qui dépend du régime d'écoulementCaractérise la manière dont le fluide s'écoule. Il peut être laminaire (faibles vitesses, trajectoires lisses) ou turbulent (hautes vitesses, tourbillons). (via le nombre de Reynolds, Re) et de la rugosité relative de la conduite (\(\epsilon/D\)). Pour les régimes turbulents (cas le plus fréquent), \(\lambda\) est souvent déterminé par l'équation implicite de Colebrook-White.
Correction : Analyse d’un Circuit de Distribution d’Eau Potable
Question 1 : Vitesse, Reynolds et Régime d'écoulement
Principe
La première étape de toute analyse hydraulique est de caractériser l'écoulement. On calcule d'abord la vitesse du fluide dans chaque conduite à partir du débit et de la section. Ensuite, on calcule le nombre de Reynolds, un indicateur sans dimension qui nous dit si l'écoulement est calme et ordonné (laminaire) ou chaotique et tourbillonnaire (turbulent). Cette distinction est cruciale car les lois de frottement sont très différentes pour chaque régime.
Mini-Cours
Régimes d'écoulement : L'écoulement d'un fluide dans une conduite peut être de deux types principaux. En régime laminaire (\(Re < 2000\)), les particules de fluide se déplacent en couches parallèles lisses. En régime turbulent (\(Re > 4000\)), les particules ont un mouvement chaotique et tourbillonnaire, ce qui augmente considérablement les frottements et donc les pertes d'énergie. La zone entre 2000 et 4000 est un régime transitoire instable.
Remarque Pédagogique
Avant de vous lancer dans les calculs, vérifiez toujours les unités. Le débit est souvent donné en L/s et les diamètres en mm. La première chose à faire est de tout convertir en unités du Système International (m³/s et m) pour éviter les erreurs. C'est un réflexe fondamental en ingénierie.
Normes
Il n'y a pas de "norme" pour le calcul du nombre de Reynolds, c'est une définition physique. Cependant, les guides de conception de réseaux d'eau potable recommandent souvent de maintenir des vitesses d'écoulement entre 0.5 m/s et 2.0 m/s pour limiter les pertes de charge et les phénomènes de coup de bélier.
Formule(s)
Formule de la Vitesse (V)
Formule du Nombre de Reynolds (Re)
Hypothèses
Nous supposons que l'écoulement est établi et permanent (les débits ne varient pas dans le temps). Le fluide est considéré comme incompressible (masse volumique constante) et les conduites sont circulaires et pleines.
Donnée(s)
Nous utilisons les débits (Q) et diamètres (D) de chaque tronçon fournis dans l'énoncé, ainsi que la viscosité cinématique de l'eau (\(\nu\)).
| Paramètre | Tronçon AB | Tronçon BC | Tronçon BD |
|---|---|---|---|
| Débit (Q) | 0.050 m³/s | 0.020 m³/s | 0.030 m³/s |
| Diamètre (D) | 0.20 m | 0.15 m | 0.10 m |
| Viscosité (\(\nu\)) | 1.0 x 10⁻⁶ m²/s | ||
Astuces
Pour éviter les erreurs de calcul avec \(\pi\), utilisez la fonction \(\pi\) de votre calculatrice. Une approximation comme 3.14 peut suffire pour une estimation, mais pour un calcul précis, il est préférable d'utiliser la valeur complète.
Schéma (Avant les calculs)
Représentation de l'écoulement et des débits
Calcul(s)
Vitesse dans le tronçon AB
Vitesse dans le tronçon BC
Vitesse dans le tronçon BD
Nombre de Reynolds pour le tronçon AB
Nombre de Reynolds pour le tronçon BC
Nombre de Reynolds pour le tronçon BD
Schéma (Après les calculs)
Schéma du Réseau avec Vitesses Calculées
Réflexions
On considère généralement que l'écoulement est turbulent lorsque Re > 4000. Dans notre cas, tous les nombres de Reynolds sont très largement supérieurs à ce seuil. Cela confirme que nous sommes en régime d'écoulement turbulent dans toutes les conduites, ce qui est typique des réseaux de distribution d'eau. La vitesse dans le tronçon BD (3.82 m/s) est particulièrement élevée et dépasse les recommandations usuelles, ce qui est un premier indice d'un possible problème de dimensionnement.
Points de vigilance
L'erreur la plus commune est d'oublier de mettre le diamètre au carré dans la formule de la section (\(A = \pi D^2/4\)). Une autre erreur fréquente est de mal gérer les puissances de 10 lors de la conversion des unités (mm en m, L/s en m³/s) et dans la viscosité cinématique.
Points à retenir
Pour caractériser un écoulement en charge, il faut systématiquement :
1. Calculer la vitesse à partir du débit et du diamètre.
2. Calculer le nombre de Reynolds pour identifier le régime (laminaire ou turbulent).
Le saviez-vous ?
L'expérience qui a permis de visualiser la transition entre les régimes laminaire et turbulent a été réalisée en 1883 par l'ingénieur britannique Osborne Reynolds. Il a injecté un filet de colorant dans un écoulement d'eau dans un tube de verre transparent et a observé que le filet restait droit à faible vitesse (laminaire) avant de se disperser brutalement à haute vitesse (turbulent).
FAQ
La viscosité représente les forces de frottement internes au fluide qui tendent à "calmer" l'écoulement et à maintenir les trajectoires lisses. Plus la viscosité est forte, plus il est difficile de rendre l'écoulement turbulent. C'est pourquoi un Re faible (viscosité élevée) correspond à un régime laminaire.Pourquoi la viscosité est-elle au dénominateur dans le nombre de Reynolds ?
Résultat Final
- Tronçon AB : \(V \approx 1.59 \text{ m/s}\), \(Re \approx 318,000\) (Turbulent)
- Tronçon BC : \(V \approx 1.13 \text{ m/s}\), \(Re \approx 169,500\) (Turbulent)
- Tronçon BD : \(V \approx 3.82 \text{ m/s}\), \(Re \approx 382,000\) (Turbulent)
A vous de jouer
Si le débit dans le tronçon AB passait à 25 L/s (et se répartissait de la même manière), quelle serait la nouvelle vitesse dans ce tronçon ?
Question 2 : Coefficient de perte de charge linéaire (\(\lambda\))
Principe
Le coefficient de perte de charge \(\lambda\) (lambda), aussi appelé facteur de friction, quantifie l'intensité des frottements du fluide contre la paroi de la conduite. Ce n'est pas une constante ; il dépend de la "turbulence" de l'écoulement (via le nombre de Reynolds) et de la "rugosité" de la conduite (via la rugosité relative \(\epsilon/D\)).
Mini-Cours
Le coefficient \(\lambda\) est typiquement déterminé à l'aide du diagramme de Moody, un abaque graphique très utilisé en ingénierie. De manière plus précise, on utilise des formules empiriques. La plus célèbre est l'équation de Colebrook-White, qui est implicite (\(\lambda\) apparaît des deux côtés) et nécessite une résolution itérative :\[ \frac{1}{\sqrt{\lambda}} = -2 \log_{10} \left( \frac{\epsilon/D}{3.7} + \frac{2.51}{Re \sqrt{\lambda}} \right) \] Des formules explicites comme celle de Haaland ou Swamee-Jain donnent des approximations très proches et sont plus simples à utiliser.
Remarque Pédagogique
L'équation de Colebrook-White est fastidieuse à résoudre à la main. En pratique, les ingénieurs utilisent des calculateurs en ligne, des logiciels spécialisés, ou des abaque comme le diagramme de Moody. L'important est de bien comprendre quels sont les deux paramètres d'entrée dont vous avez besoin : le nombre de Reynolds et la rugosité relative.
Normes
Les valeurs de rugosité absolue (\(\epsilon\)) dépendent du matériau et de l'état de la conduite. Des normes et manuels de référence (comme le "Manuel de l'ingénieur" ou des normes ISO) fournissent des valeurs typiques pour différents matériaux (fonte, PVC, acier, etc.). La valeur de 0.1 mm est une valeur courante pour de la fonte avec un léger état d'usage.
Formule(s)
Formule de la Rugosité Relative
Équation de Colebrook-White (Implicite)
Hypothèses
On suppose que la rugosité absolue (\(\epsilon\)) est uniforme sur toute la longueur des conduites et que sa valeur est de 0.1 mm comme indiqué dans l'énoncé.
Donnée(s)
| Paramètre | Tronçon AB | Tronçon BC | Tronçon BD |
|---|---|---|---|
| Reynolds (Re) | 318,000 | 169,500 | 382,000 |
| Diamètre (D) | 0.20 m | 0.15 m | 0.10 m |
| Rugosité absolue (\(\epsilon\)) | 0.0001 m | ||
Astuces
Pour le diagramme de Moody, si votre valeur de Reynolds est très élevée (zone de droite du diagramme), l'écoulement est dit "pleinement turbulent" ou "rugueux". Dans cette zone, les courbes deviennent horizontales, ce qui signifie que \(\lambda\) ne dépend quasiment plus que de la rugosité relative \(\epsilon/D\). C'est une bonne manière de vérifier l'ordre de grandeur de votre résultat.
Schéma (Avant les calculs)
Illustration de la Rugosité Relative
Calcul(s)
Rugosité relative pour le tronçon AB
Rugosité relative pour le tronçon BC
Rugosité relative pour le tronçon BD
Détermination de λ par itérations (Colebrook-White)
On utilise une méthode itérative pour chaque tronçon. On commence avec une estimation initiale de \(\lambda_0 = 0.02\).
Tronçon AB (Re = 318,000, ε/D = 0.0005)
Itération 1
Itération 2
La valeur se stabilise. On adopte \(\lambda_{\text{AB}} \approx 0.0181\).
Tronçon BC (Re = 169,500, ε/D = 0.00067)
Itération 1
Itération 2
La valeur est stable. On adopte \(\lambda_{\text{BC}} \approx 0.0199\).
Tronçon BD (Re = 382,000, ε/D = 0.001)
Itération 1
Itération 2
La valeur est stable. On adopte \(\lambda_{\text{BD}} \approx 0.0204\).
Schéma (Après les calculs)
Positionnement sur le Diagramme de Moody (Conceptuel)
Réflexions
Les valeurs de \(\lambda\) sont toutes de l'ordre de 0.02, ce qui est très courant pour des conduites d'eau en régime turbulent. On remarque que bien que le Reynolds du tronçon BD soit le plus élevé, son coefficient \(\lambda\) est aussi le plus grand. C'est parce que l'influence de la rugosité relative (\(\epsilon/D\)), qui est la plus forte pour ce tronçon, devient prépondérante à très haut Reynolds.
Points de vigilance
Attention à ne pas confondre la rugosité absolue \(\epsilon\) (en mm ou m, une caractéristique du matériau) et la rugosité relative \(\epsilon/D\) (sans dimension). C'est bien la rugosité relative qui est utilisée pour trouver \(\lambda\). De plus, ne lisez pas le diagramme de Moody trop vite, il a des échelles logarithmiques qui peuvent être trompeuses.
Points à retenir
Le coefficient de perte de charge \(\lambda\) est une fonction de deux paramètres :
1. Le nombre de Reynolds (Re).
2. La rugosité relative (\(\epsilon/D\)).
Il se détermine via le diagramme de Moody ou la formule de Colebrook-White.
Le saviez-vous ?
L'équation de Colebrook-White (1939) est le fruit d'une collaboration entre Cyril F. Colebrook et Cedric M. White. Elle a brillamment réussi à combiner les équations qui fonctionnaient pour les conduites lisses et pour les conduites très rugueuses en une seule formule universelle pour la zone de transition, ce qui en fait l'une des équations les plus importantes et durables de l'hydraulique.
FAQ
Oui, pour des calculs manuels, des approximations explicites comme la formule de Swamee-Jain sont excellentes. Elle donne une valeur de \(\lambda\) très proche de celle de Colebrook sans nécessiter d'itération. Pour les examens, vérifiez la formule recommandée par votre professeur.Puis-je utiliser une formule plus simple que celle de Colebrook ?
Résultat Final
A vous de jouer
Si le tronçon AB était en PVC lisse (\(\epsilon \approx 0.0015 \text{ mm}\)), quelle serait approximativement la nouvelle valeur de \(\lambda_{\text{AB}}\) ? (Le Reynolds reste 318,000).
Question 3 : Calcul des pertes de charge linéaires (\(\Delta H\))
Principe
La perte de charge (ou perte de hauteur de charge) représente l'énergie "perdue" par le fluide à cause des frottements sur la longueur de la conduite. En utilisant la formule de Darcy-Weisbach, nous pouvons convertir cette perte d'énergie, irréversible, en une hauteur équivalente de colonne d'eau (en mètres). C'est la hauteur que le fluide "perd" en potentiel pour vaincre les frottements.
Mini-Cours
La formule de Darcy-Weisbach est la méthode standard pour calculer les pertes de charge linéaires. Elle montre que la perte d'énergie est proportionnelle :
- Au coefficient de friction \(\lambda\).
- À la longueur de la conduite \(L\) (plus c'est long, plus ça frotte).
- Au carré de la vitesse \(V^2\) (c'est le facteur le plus influent !).
Et elle est inversement proportionnelle au diamètre \(D\) (une plus grosse conduite réduit les pertes pour un même débit).
Remarque Pédagogique
Observez l'impact du terme de vitesse au carré (\(V^2\)). Si vous doublez la vitesse de l'eau dans une conduite, vous multipliez les pertes de charge par quatre ! C'est pourquoi les ingénieurs cherchent à limiter les vitesses dans les réseaux pour économiser de l'énergie (et donc les coûts de pompage).
Normes
Le calcul des pertes de charge est une application directe des lois de la physique. Les normes interviennent plutôt dans le choix des coefficients de sécurité ou dans la définition des pertes de charge admissibles pour un projet donné, afin de garantir une pression minimale au consommateur.
Formule(s)
Formule de Darcy-Weisbach
Hypothèses
On ne considère ici que les pertes de charge linéaires (dues aux frottements sur la longueur). On néglige les pertes de charge singulières, qui sont dues aux "accidents" de parcours (coudes, tés, vannes, etc.). Pour de longues conduites, cette simplification est souvent acceptable en première approche.
Donnée(s)
| Paramètre | Tronçon AB | Tronçon BC | Tronçon BD |
|---|---|---|---|
| \(\lambda\) | 0.0181 | 0.0199 | 0.0204 |
| L (m) | 500 | 300 | 250 |
| D (m) | 0.20 | 0.15 | 0.10 |
| V (m/s) | 1.59 | 1.13 | 3.82 |
Astuces
Le terme \(V^2/(2g)\) est appelé "hauteur dynamique" ou "charge de vitesse". Vous pouvez le calculer une fois pour chaque vitesse et le réutiliser. Cela simplifie la structure de vos calculs et réduit les risques d'erreur.
Schéma (Avant les calculs)
Visualisation de la Ligne de Charge et Perte de Charge
Calcul(s)
Perte de charge pour le tronçon AB
Perte de charge pour le tronçon BC
Perte de charge pour le tronçon BD
Schéma (Après les calculs)
Diagramme de la Ligne de Charge du Réseau
Réflexions
On remarque immédiatement la perte de charge extraordinairement élevée dans le tronçon BD (près de 38 mètres !). C'est plus de 14 fois la perte dans le tronçon BC. Cela est principalement dû à la très grande vitesse (3.82 m/s), dont l'effet est amplifié par le carré. C'est un signe clair d'un sous-dimensionnement de cette conduite pour le débit demandé.
Points de vigilance
Assurez-vous que toutes vos unités sont cohérentes (mètres, secondes) avant d'appliquer la formule. N'oubliez pas le facteur "2g" au dénominateur, c'est un oubli fréquent. De plus, vérifiez que vous utilisez bien le \(\lambda\) et le V correspondant au bon tronçon.
Points à retenir
La perte de charge linéaire est l'énergie perdue par frottement. Elle se calcule avec la formule de Darcy-Weisbach. Elle est très sensible à la vitesse au carré (\(V^2\)), ce qui en fait le paramètre le plus critique à maîtriser pour le dimensionnement des conduites.
Le saviez-vous ?
L'ingénieur franco-italien Henri Darcy (1803-1858) a mené des expériences pionnières sur l'écoulement de l'eau à travers des colonnes de sable pour le système d'approvisionnement en eau de la ville de Dijon. Ses travaux ont jeté les bases non seulement du calcul des pertes de charge dans les conduites, mais aussi de l'hydrogéologie moderne (loi de Darcy).
FAQ
Dans les réseaux où les longueurs de conduites sont très grandes par rapport au nombre d'accidents (coudes, tés, etc.), les pertes par frottement (linéaires) sont largement prédominantes. Négliger les pertes singulières est alors une simplification acceptable pour une première analyse. Dans un réseau plus complexe avec beaucoup de coudes, cette hypothèse ne serait pas valable.Pourquoi néglige-t-on les pertes de charge singulières ?
Résultat Final
A vous de jouer
Si la conduite BC faisait 600 m de long au lieu de 300 m (avec le même débit), quelle serait sa nouvelle perte de charge \(\Delta H_{\text{BC}}\) ?
Question 4 : Calcul des pressions aux nœuds B, C et D
Principe
Le principe de conservation de l'énergie, formalisé par le théorème de Bernoulli, est la clé. On connaît l'énergie totale au point de départ (la surface du château d'eau). En tout autre point du réseau, l'énergie totale est égale à l'énergie de départ moins toute l'énergie perdue en chemin (les pertes de charge). En calculant cette énergie restante (la "ligne de charge") et en soustrayant l'énergie due à l'altitude (potentielle) et à la vitesse (cinétique), on isole l'énergie restante sous forme de pression.
Mini-Cours
La charge hydraulique totale (H) en un point est la somme de trois termes : \(H = z + P/(\rho g) + V^2/(2g)\). C'est l'énergie totale par unité de poids. Le théorème de Bernoulli pour les fluides réels dit que la charge en un point 2 est égale à la charge en un point 1 moins les pertes de charge entre les deux : \(H_2 = H_1 - \Delta H_{1 \to 2}\). Pour trouver la pression \(P_2\), il suffit d'isoler le terme de pression : \(P_2 = \rho g \times (H_2 - z_2 - V_2^2/(2g))\).
Remarque Pédagogique
Visualisez la charge comme un "budget" énergétique. Vous partez avec un budget de 50 m (l'altitude du château d'eau). Chaque mètre de perte de charge est une dépense. Ce qui reste du budget à un point donné peut être "stocké" sous forme d'altitude ou de pression. Si le point est bas, il reste plus de budget pour la pression. Si le point est haut, il en reste moins.
Normes
Les réglementations sanitaires (comme le Code de la santé publique en France) imposent des pressions minimales aux points de livraison pour garantir le bon fonctionnement des appareils et éviter les contaminations du réseau par dépression. Une valeur typique est de 2 à 3 bars au robinet du consommateur.
Formule(s)
Équation de Bernoulli entre 1 et 2
Conversion Pression (Pa) en bar
Hypothèses
À la surface libre du réservoir (point A), la pression est la pression atmosphérique (\(P_A = 0\) en pression relative) et la vitesse de descente du niveau d'eau est considérée comme nulle (\(V_A \approx 0\)). L'énergie totale au départ est donc simplement l'altitude \(Z_A\).
Donnée(s)
| Paramètre | Valeur |
|---|---|
| Charge initiale en A (\(Z_A\)) | 50 m |
| Altitude en B (\(Z_B\)) | 25 m |
| Altitude en C (\(Z_C\)) | 20 m |
| Altitude en D (\(Z_D\)) | 22 m |
| Vitesse en B (\(V_{AB}\)) | 1.59 m/s |
| Vitesse en C (\(V_{BC}\)) | 1.13 m/s |
| Vitesse en D (\(V_{BD}\)) | 3.82 m/s |
| Perte de charge \(\Delta H_{AB}\) | 5.83 m |
| Perte de charge \(\Delta H_{BC}\) | 2.59 m |
| Perte de charge \(\Delta H_{BD}\) | 37.92 m |
Astuces
Pour convertir une hauteur de charge (en mètres d'eau) en pression (en bars), il suffit de diviser par environ 10 (plus précisément 10.2). Par exemple, une charge de pression de 19.08 m correspond à environ 1.9 bar. C'est une excellente façon de vérifier rapidement vos ordres de grandeur.
Schéma (Avant les calculs)
Cheminement de l'Énergie depuis la Source
Calcul(s)
Charge de pression au nœud B
Conversion en pression pour le nœud B
Charge de pression au point C
Conversion en pression pour le point C
Charge de pression au point D
Conversion en pression pour le point D
Schéma (Après les calculs)
Diagramme des Pressions et Ligne Piézométrique
Réflexions
Le résultat pour le point D est physiquement absurde (pression relative négative), ce qui est une information très utile : cela signifie que le système, tel que décrit, ne peut pas fonctionner. L'énergie disponible (50m d'altitude) est insuffisante pour pousser 30 L/s à travers une conduite de 100mm sur 250m tout en surmontant la dénivelée. Dans la réalité, le débit serait bien plus faible que les 30 L/s demandés, ou l'eau n'arriverait tout simplement pas.
Points de vigilance
L'erreur classique est d'oublier de sommer les pertes de charge depuis l'origine. Pour calculer la pression en C, il faut bien prendre en compte les pertes dans AB ET dans BC. De même, pour le point D, il faut sommer les pertes dans AB ET BD. Oublier un tronçon fausse complètement le résultat final.
Points à retenir
La pression en un point est ce qui reste de l'énergie initiale après avoir soustrait :
1. L'énergie "consommée" par les pertes de charge.
2. L'énergie "stockée" sous forme d'altitude (charge potentielle).
3. L'énergie "utilisée" pour la vitesse (charge cinétique).
Le saviez-vous ?
Daniel Bernoulli, un mathématicien et physicien suisse du 18ème siècle, n'a pas formulé l'équation telle que nous l'utilisons aujourd'hui. Il a établi le principe de base que la pression diminue lorsque la vitesse augmente. C'est Leonhard Euler qui a rigoureusement dérivé l'équation sous sa forme différentielle, et elle a ensuite été intégrée et adaptée pour les fluides réels avec le terme de pertes de charge bien plus tard.
FAQ
En appliquant Bernoulli entre A et B, le point d'arrivée est le nœud B, où l'eau s'écoule encore à la vitesse du tronçon AB (\(V_{\text{AB}}\)). La division du débit et le changement de vitesse se font juste après le nœud B. C'est un point de détail important pour la précision du calcul.Pourquoi la vitesse au nœud B est-elle V_AB et non V_BC ou V_BD ?
Résultat Final
- Pression au nœud B : \(P_B \approx 1.87 \text{ bar}\)
- Pression au point C : \(P_C \approx 2.11 \text{ bar}\)
- Pression au point D : \(P_D \approx -1.62 \text{ bar}\)
A vous de jouer
Si le château d'eau était 10 mètres plus haut (\(Z_A = 60 \text{ m}\)), quelle serait la nouvelle pression (en bar) au point B ?
Question 5 : Conformité du réseau
Principe
Cette dernière étape consiste à comparer les résultats de nos calculs (les pressions aux points de livraison) avec les exigences spécifiées (une pression minimale réglementaire). Cela permet de porter un jugement technique sur la performance et la validité de la conception du réseau.
Mini-Cours
Diagnostic d'un réseau : La conformité d'un réseau se juge sur sa capacité à délivrer le débit requis à une pression suffisante en tout point. L'équation de Bernoulli est l'outil de diagnostic principal. Si la pression calculée \(P_{\text{calculée}}\) est inférieure à la pression requise \(P_{\text{requise}}\), il y a un problème. L'analyse des termes de l'équation (\(Z\), \(V^2/2g\), \(\Delta H\)) permet d'identifier la cause :
- Altitude \(Z\) trop élevée : Le point de livraison est trop haut par rapport à la source.
- Pertes de charge \(\Delta H\) excessives : C'est la cause la plus fréquente. Elle est due à une vitesse trop élevée (conduite sous-dimensionnée) ou une longueur trop importante.
Analyse
La pression minimale requise est de 2 bars.
- Au point C : \(P_C \approx 2.12 \text{ bars}\). Comme \(2.12 > 2.0\), la pression est conforme.
- Au point D : \(P_D \approx -1.63 \text{ bars}\). Une pression relative négative est physiquement impossible dans un réseau de distribution standard (cela signifierait une dépression et entraînerait des phénomènes de cavitation). Ce résultat indique un grave défaut de conception. La pression est très loin d'être conforme.
Réflexions et Diagnostic
Le problème vient sans équivoque du tronçon BD. La perte de charge de près de 38 mètres sur ce seul tronçon est si élevée qu'elle "consomme" toute l'énergie disponible (la hauteur du château d'eau) et aboutit à une pression théorique négative. La cause principale est la vitesse excessive de l'eau (3.82 m/s), qui est due à un diamètre de conduite (100 mm) beaucoup trop faible pour le débit demandé (30 L/s).
Astuce d'ingénieur : Dans les réseaux de distribution, les vitesses sont généralement comprises entre 0.5 et 2 m/s pour limiter les pertes de charge et les risques de "coups de bélier". Une vitesse approchant les 4 m/s est un signal d'alarme immédiat indiquant un probable sous-dimensionnement.
Résultat Final
A vous de jouer
En utilisant les mêmes formules, quel serait le diamètre minimal (en mm, valeur commerciale la plus proche) à donner à la conduite BD pour que la pression au point D soit tout juste de 2.0 bars ?
Outil Interactif : Optimisation du Tronçon BD
Utilisez ce simulateur pour explorer l'impact du diamètre de la conduite BD et du débit demandé sur la pression finale au point D. Trouvez les paramètres qui permettent d'atteindre la pression réglementaire de 2 bars.
Paramètres du Tronçon BD
Résultats au Point D
Quiz Final : Testez vos connaissances
1. Si on double le débit dans une conduite (en gardant le même diamètre), comment évolue approximativement la perte de charge linéaire ?
2. Quelle est la cause principale de la pression négative calculée au point D ?
3. Dans le théorème de Bernoulli appliqué à un fluide réel, le terme \(\Delta H\) représente :
4. Un nombre de Reynolds de 300,000 indique un régime d'écoulement :
5. Pour résoudre le problème de pression au point D, la solution la plus efficace serait :
Glossaire
- Hydraulique en charge
- Étude des écoulements de liquides dans des conduites entièrement remplies, où le fluide est mis en mouvement par une différence de pression ou d'altitude.
- Nombre de Reynolds (Re)
- Nombre sans dimension utilisé en mécanique des fluides pour caractériser un régime d'écoulement. Il représente le rapport entre les forces d'inertie et les forces visqueuses. Un Re élevé (> 4000) indique un régime turbulent.
- Perte de Charge (\(\Delta H\))
- Perte d'énergie d'un fluide en mouvement, exprimée en hauteur de colonne de ce fluide (en mètres). Elle est due aux frottements sur les parois (pertes linéaires) et aux accidents de parcours comme les coudes ou vannes (pertes singulières).
- Pression relative
- Pression mesurée par rapport à la pression atmosphérique ambiante. Une pression de 0 bar relatif correspond à la pression atmosphérique.
- Théorème de Bernoulli
- Principe de conservation de l'énergie appliqué à un fluide en mouvement. Il établit une relation entre la pression, la vitesse et l'altitude d'un fluide.
D’autres exercices d’hydraulique en charge:









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